Répondons sans trop faire durer le suspense : non. Et voyons pourquoi (et comment) pêcher sur la vase peut s’avérer tout aussi productif que sur un fond dur.
C’est systématique chez beaucoup de pêcheurs de chercher à placer son montage sur un fond dur et propre, idéalement une zone présentant du gravier. Certes, cela permet de présenter n’importe quel montage peu importe les matériaux et le système de plombée utilisés. C’est aussi l’assurance que les appâts utilisés ne disparaîtront pas dans le sol et que les poissons sauront les trouver sans trop d’efforts. A-t-on toutefois la certitude que les carpes s’y alimentent en priorité ? Que ce qui nous semble propre en sondant n’est pas recouvert d’herbe ou de multiples petits débris ? Que les poissons habitués à se faire prendre sur ce genre de spots ne vont pas commencer à s’en méfier ? Vous l’aurez compris, un fond propre n’est pas toujours idéal, en tout cas pas sur tous les plans d’eau. Sur certains, ils sont même quasiment introuvables — alors il faut bien faire sans ! J’ai le souvenir d’une session sur une gravière où je m’étais entêté (par habitude) à placer mes trois lignes sur un banc de sable et de gravier trois jours durant, avec une seule petite commune comme résultat. Puis en remarquant des bulles à la surface de l’eau, j’avais ensuite aperçu une carpe marsouiner au-dessus d’une zone assez vaseuse qui n’avait jusque-là pas encore retenu mon attention. En sondant à nouveau, j’avais réussi à trouver une poche de vase moins épaisse et avais alors décidé d’y mettre une ligne. Bien m’en a pris puisque le lendemain matin, c’est à cet endroit précis que je capturais une jolie miroir de 14 kilos.
La bonne et la mauvaise vase
Pour pêcher efficacement sur la vase, il convient d’abord de trouver la bonne. Toutes les vases ne se valent pas, tant pour le pêcheur que pour le poisson. La carpe privilégiera toujours celle qui est susceptible de contenir ce qui l’intéresse, à savoir de la nourriture naturelle. La (bonne) vase sert en effet de refuge à de nombreux vers et les carpes y plongent volontiers la tête pour les trouver. Comme les particules de vase sont légères et qu’elles remontent facilement dans les couches d’eau supérieures, il n’est pas rare quand les carpes s’alimentent et que la zone n’est pas trop profonde, de voir un nuage sombre troubler la surface de l’eau. Sur des secteurs plus profonds, les fouilles sont plus discrètes mais trahies par de petites bulles d’oxygène jusque là piégées dans la vase. Quoiqu’il en soit, un sondage sérieux s’impose pour distinguer la bonne de la mauvaise vase. Sur celle que l’on recherche, le plomb tend à ne pas trop s’enfoncer et glisse sur le fond lorsqu’on le ramène. À l’inverse, un plomb qui s’enfonce profondément et qui semble coller sur le fond est synonyme d’une vase épaisse à éviter. Ce genre de substrat nul en oxygène (appelé aussi milieu anaérobie) est en effet dépourvu de nourriture naturelle et favorise au contraire le développement de bactéries qu’on imagine plutôt répulsives pour une carpe. Cette vase a d’ailleurs une odeur particulièrement désagréable, qu’on a souvent l’occasion de sentir sur le plomb.
Avec quels montages ?
S’il y a donc des vases plus propices que d’autres, on ne peut toutefois pas s’autoriser l’emploi de n’importe quel montage. La vase, même la plus propre qui soit, reste un substrat particulier où la présentation de l’esche est primordiale. Dans un nuage de vase en suspension où la visibilité est nulle, les carpes cherchent la nourriture en sentant et en touchant, d’où l’intérêt qu’elles tombent facilement sur nos appâts. À cet effet, l’emploi d’un montage inline ou d’un clip plomb est fortement déconseillé (et d’autant plus avec un bas de ligne court) puisque pour pêcher efficacement sur la vase, il faut à tout prix éviter que le bas de ligne ne s’enfonce avec le plomb. Pour faire le job, rien de plus efficace qu’un montage hélicoptère, vraiment. Avec un tel système, le plomb s’enfonce en premier et le bas de ligne coulisse librement pour rester opérationnel au-dessus de la vase. Il est de plus préférable d’utiliser des plombs assez légers pour atténuer l’enfoncement. Quant au bas de ligne, il y a deux écoles : un chod rig et une pop-upBouillette flottante. plus ou moins éloignée de la vase, ou alors un appât sur le fond. Pour ce dernier cas, j’ai une préférence pour un bas de ligne souple d’une bonne vingtaine de centimètres et une bouillette équilibrée qui se posera en douceur sur le fond et que la carpe aspirera plus rapidement.

Et quels appâts ?
Comme le montage, il est préférable que les appâts utilisés soient facilement trouvés par les poissons et qu’ils ne s’enfoncent donc pas dans la vase. Les appâts les plus légers comme les graines (chènevis, maïs, blé, etc.) ou les pellets sont alors tout indiqués. Il peut également être intéressant de tenter d’imiter la nourriture naturelle rencontrée habituellement par les carpes avec des asticots. À condition de les congeler ou de les ébouillanter au préalable et ainsi éviter qu’ils ne s’enfuient dans la vase. Un mot sur les bouillettes enfin, qu’il est tout à fait possible d’utiliser dans ces conditions, mais qui seront plus efficaces dans des petits diamètres (10-12 mm) ou alors broyées en morceaux.